mercredi 13 juillet 2011

Le Destin d'Honorine de Hubert de Maximy PRIX PAUL FEVAL 2011



Avant de chroni"cro"quer le roman d'Hubert de Maximy : le destin d'Honorine paru en Février 2011 aux Presses de la Cité (Collection Terres de France), j'aimerais faire un apparté, à ma façon,  sur le le roman du terroir.

Le roman du terroir

Une région de France aux reliefs accidentés. L’évocation du monde rural. Une famille de paysans du début XIX ou XX ème, composée d’une mère souvent « grosse » et d’un père alcoolique vivant dans une masure. Le sol est en terre battue, les poules entrent et viennent, une mince cloison sépare la pièce principale de l’étable. Au coin de la cheminée où se réchauffe une misérable soupe, se tient l’aieul(e) édenté(e) incontinente ( !).

Ils sont nombreux autour de la table où l’on se bat pour un vulgaire quignon de pain. Des mioches "en veux-tu, en voilà " qui meurent la plupart en bas âge, et quand ils survivent ils ne sont pas toujours tendres entre eux.
La violence, la jalousie et l’inceste flirtent avec le quotidien. Il ne fait pas bon naître femme dans cette société là.
Aragon  qui n'est pas encore né, pourrait aller se rhabiller avec son « la femme est l’avenir de l’homme ».

Les femmes   ne connaissent ni le contrôle des naissances et accouchent souvent dans la souffrance. Par ailleurs, tôt fait averties des choses de la vie, elles apprennent à se préserver des amours fautives et préservent "leur fleur" avec des onguents qui n’aurait pas déplu à Bernardo Bertolucci.

Mais revenons à nos moutons, veaux, vaches, couvée car dans cette fange survit souvent un vilain petit canard qui fera tout pour s’extirper de sa condition.

C’est souvent une fille dans ses romans. La parité, l’égalité des sexes n'ont pas encore été inventés.

La femme est un objet de plaisir et de désir parfois un jouet entre les griffes de ces raminagrobis.

Nous sommes loin du caractère bucolique de Georges Sand où le temps s’écoule paisiblement aux rythmes des travaux des champs et des feux de la Saint Jean.

Dans les romans du terroir, c’est souvent une jeune fille animée d’une volonté sauvage de se sortir de son milieu. Elle est souvent jolie mais elle ne le sait pas encore, elle a du caractère (Dame, on apprend très vite à survivre) et porte en elle un projet secret (avoir une vaste propriété, un élevage, une fabrique). Elle quittera sa famille, son pays pour aller dans une grande ville (pas forcement Paris).

Rien ne pourra la défaire de son idée, elle n’hésitera pas à se fourvoyer, à devenir mesquine, mais la morale est toujours sauve dans les romans du terroir.



En général, tout finit par un contrat de mariage car au détour du premier chapitre ou des suivants, elle a croisé sur son chemin un homme plus âgé qu’elle (il ne l’a pas remarqué mais elle oui) ou un jeune homme qui sera un des maillons forts de sa vie. Union ou pas, le rêve devient réalité. Certes les intrigues ont des côtés attendus, on devine le dénouement, mais on ne sait pas trop comment elles vont arriver.



Dans les romans du terroir, les auteurs décrivent une France en pleine mutation sociologique et économique. La révolution industrielle, l’essor du chemin de fer, les petits métiers sont mis à l’honneur. La référence au patois local, à la religion et aux superstitions ponctuent certaines pages.



L’essentiel , comme dans tout bon roman de littérature narrative, est de bâtir l’histoire sur du roc, avoir une plume vive et alerte, un vocabulaire choisi et surtout s’être documenté en amont. Le roman du terroir est allergique aux anachronismes car le lecteur fâché pourrait en prendre ombrage et jeter le livre par-dessus les moulins ou aux orties dont on fait parfois une bonne soupe d’herbes sauvages…

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L'auteur :
Hubert de Maximy est né en 1944 à Craponne-sur-Arzon (Haute-Loire), il a été producteur et réalisateur de documentaires. Il s'est inspiré, pour l'écriture de ce livre, de la vie de ses grands-parents, qui furent les plus importants fabricants de dentelle du Puy au début du siècle dernier.




Dans le destin d’Honorine écrit par Hubert de MAXIMY, les ingrédients précédemment décrits sont réunis pour passer un bon moment de littérature . Ce roman ferait une excellente adaptation télévisée.
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Résumé :

 Dans le haut Velay, au XIXe siècle, le roman d'une «Rastignac au féminin» dans l'univers de la dentelle.

«Tout commença vraiment le jour où la jeune Honorine Feynerolles posséda un crayon.» En cachette des siens, une petite paysanne apprend seule à lire et à écrire. Mûrie trop vite au sein d'une fratrie de brutes, elle décide de s'arracher à la misère et de construire son destin.

Au village d'Aubissoux, quand elles ne triment pas au champ, les femmes frottent au lavoir ou font de la dentelle au carreau. A treize ans, médiocre ouvrière, Honorine sauve son rêve, devenir la reine de la dentelle, grâce à sa belle écriture. A Craponne, petite ville voisine, un fabricant de dentelle la recrute. Discrète, intelligente, patiente, elle va tout y découvrir, y compris la loi de la jungle.


Une jeune femme ambitieuse entre deux mondes, celui des paysans pauvres qui l'a vue naître et celui de la bourgeoisie industrielle qu'elle veut intégrer. Mais le talent en affaires est-il suffisant ?
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Comme je l'expliquais plus haut, les ingrédients  (pauvreté, pugnacité, ambition) sont réunis en la présence de deux destins qui vont se croiser pour n'en faire qu'un seul.
Honorine Feynerolles appartient à un milieu rural des plus torturés, père alcoolique, frères incestueux, mais sous la protection de Marie Mazel "la Béate", elle apprendra à lire, écrire et compter. Ainsi, à force de pugnacité, elle  deviendra la secrétaire d'un dentelier de Craponne pour lequel elle éprouvera de l'inimitié.

Benoît Chalençon est un adulte averti. On le voit se transformer au fil des pages, de jeune homme osseux au visage ingrat, il devient un cavalier émérite, un chasseur expérimenté et un excellent portraitiste. Il a lui aussi des comptes à régler avec la vie et la société. Son père héritier d'une gentilhommière "La Monteillade" sur le canton de Craponne, a dilapidé son bien et vendu peu à peu les trois fermes et les terres du domaine. Sa mère qui avait cru épousé un grand militaire avait vite déchanté lorsqu'elle eut appris qu'il n'était que simple maréchal des logis.  Ses parents, auraient été ravis qu'ils fassent partis des futurs conscrits en cette année 1838 mais le destin en la présence d'Honorine en avait decidé autrement.

"Le destin d'Honorine" est un chassé croisé entre ces deux personnages durant 360 pages. Le lecteur en sait  davantage sur la loi Soult, apprend  le vocabulaire lié aux différents métiers de la dentelle tel celui de l'aponçeuse, du dessinateur de carreaux mais aussi celui de" leveuse".
On accompagne la représentante de commerce en dentelles de Saint-Etienne à Lyon. Avec les nouvelles locomotives Seguin, les grandes villes se rapprochent de la province.  C'est une centaine de gens qui prend le train tous les jours malgré la fumée et les escarbilles ! On suit avec beaucoup intérêt la longue ascension de celle qui deviendra l'un des personnages incontournables de la bourgeoisie industrielle.

Des personnages secondaires apparaissent dans ce décor haut en couleur et donnent du corps au récit mais je vous les laisse découvrir par vous mêmes...

Le Destin d'Honorine

Editeur : Presses De La Cite

Collection : Terres De France

Date de parution : 03/02/2011

EAN13 : 9782258084582



Bravo à l'auteur ! Un prix amplement mérité.

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