Je n’avais fait qu’une bouchée de ses « divines antilopes » parues en 2009 à la Tour d’Oysel, 20 portraits ciselés d’hommes et de femmes aussi fragiles que de la porcelaine.
Deux ans plus tard, Alain Emery, signe un nouvel opus chez Jacques Flament Editions. Aucune des 21 nouvelles ne reprennent le titre "Les Porcelaines".
Des portraits plus déroutants que les précédents. Une deuxième lecture s’impose tant les cicatrices sont à vif.
Tout comme Giono, qu’il admire, Alain Emery examine le monde de l’âme invisible sans illusions*. Au premier abord, je n’ai pas trouvé de la porcelaine mais de la terre glaise.
Alain Emery photographie ses personnages, les emprisonne dans sa chambre noire et les collectionne dans un coin de sa mémoire. En leur tirant le portrait il leur vole leur âme.
A sa table de travail, en véritable ouvrier, l’auteur sculpte la matière première. Modeler la terre c’est renouer avec l’origine de l’humanité et créer au gré de son imagination. Il faut de la pratique - mais le Bonhomme en a- et il parvient à donner de la vie à ces sculptures même les plus complexes.
Il remonte à la source, à la genèse. Qui sont-ils pour avoir été ainsi gâtés ou malmenés par la vie ? En équilibre fragile sur le fil de leur existence, quelques-uns s’accrochent, d’autres trébuchent et parfois sombrent…
Le joueur de petits chevaux, l’arrière-petite-fille d’une princesse russe exilée, un ménage à trois ont tous en commun d’avoir fait leur possible pour s’accommoder de leur destin mais à quel prix ?!
Mais attention fragile, les âmes ne demandent qu’à s’envoler de ces poupées de chair et de sang ...
* Et le monde de l'âme invisible, c'est-à-dire celui dans lequel nous vivons, est-il si paisible quand on l'examine sans illusion ? Jean Giono Les terrasses de l'ïle d'Elbe
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Je laisse la parole à Alain Emery qui s’est prêté avec gentillesse au jeu des questions-réponses
Maryline Martin : Pourquoi ces portraits ?
Alain EMERY : Dans cette époque où tout est formaté, où il est indispensable de rentrer dans les cases, j’avais très envie de parler de ces personnages hors du commun, ces excentriques qui, si l’on songe au rêve qu’ils n’hésitent pas à poursuivre, à la vie qu’ils persistent à mener, éclairent aussi un peu la nôtre. Tous ces personnages nous parlent de nous, en fait.
Quant au besoin d’écrire ces portraits plutôt qu’autre chose, je ne l’explique pas. Je suis mon instinct et mon plaisir.
MM : « Un joueur solitaire de petits chevaux, une exilée, un cireur de chaussures … » ce sont des rencontres qui t’ont inspiré ces personnages ?
AE : Plus ou moins, comme toujours. C’est un mélange entre ces individus croisés, rencontrés, fréquentés et cette part de fiction indispensable au petit château de cartes qu’on essaie de construire.
MM : La fragilité de tous ces êtres est-elle le fil conducteur de ce recueil ?
A. E : Le fait que ce soit des humains. Avec leur fragilité, leurs mensonges, leurs secrets, leurs passions, leurs envies…, le fait qu’ils nous ressemblent tous un peu mais qu’il faille un peu de lumière (c’est-à-dire un peu de temps, de patience, d’empathie) pour s’en rendre compte.
MM : Les descriptions de tes personnages flirtent souvent avec la nature, la terre, quels sont tes auteurs de prédilection ?
AE : Avant tout et définitivement : Giono, qui est un compagnon de longue date.
Et puis Faulkner, aussi, bien sûr.
Et des gens comme Philippe Claudel, Laurent Gaudé...
MM : Ton actualité ? Prochaines dédicaces, salons ?
A.E : Pas de dédicaces ni de salon. Je bosse sur mes prochains manuscrits. Deux recueils de nouvelles et un roman court. C’est du moins ce que j’ai en tête pour le moment. J’essaie d’en venir à bout et pour le reste, je me laisse porter…
Merci Alain, je suis certaine que ton lectorat prendra grand soin de tes porcelaines et saura vanter leur qualité…
Je chroniquerai le livre d'Alain Emery sur Radio Fréquences Paris Plurielles 106.3 mercredi 9 novembre pour une diffusion en décembre prochain.
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