mercredi 24 mars 2010

Une semaine de Vacance...

Une semaine de vacance de DANIEL CHARNEUX


EDITIONS LUC PIRE (COLLECTION EMBARCADERE)
Ma seconde chronique au micro de Le lire et le Dire
L’auteur : DANIEL CHARNEUX est professeur de français et romancier. C’est un auteur qui se sent en phase avec cette façon d’écrire typiquement belge maniant le décalage, la dérision et un certain humour noir.

Grand admirateur de Georges Perec mais aussi de Simenon, l’auteur nous attire avec brio dans un univers en trompe l’œil mais aussi dans les méandres de la psychologie humaine, celle là même qui conduit à être en équilibre fragile sur le fil du soi…



Pour évoquer le roman : Attardons nous dans un premier temps sur le Titre :

« Une semaine de vacance»


C’est pour cela que je préfère ne pas parler de vacances au pluriel, un mot qui – tout comme le mot loisirs évoque précisément l’absence de loisir, d’oisiveté – un mot, donc, qui renvoie lui aussi à un temps plein, meublé d’activités riches et variées, précisément le contraire de la vacance, c’est-à-dire du bienheureux vide.


J’ai toujours admiré cette racine, mère d’une riche famille : vacuité (quelle rime merveilleuse à fatuité !), vacuole (l’un des constituants de nos cellules, donc de notre être, serait le vide…), vacation, vacant, sans oublier ce « vacuum » étrange que je trouvais, enfant, sur certains produits emballés sous vide ou encore, si ma mémoire est bonne, sur ces ingénieuses boîtes en matière plastique produites par une firme américaine au nom imprononçable spécialisée dans la démonstration à domicile.


4ème de couverture

• Sur la quatrième de couverture, on pouvait lire :”C’est fou ce que ça peut distraire, l’ennui…

Tenez, cette année, pour les congés, j’avais décidé de m’ennuyer. Seul, sac au dos, sur les routes monotones de la Creuse, je pensais transformer les vacances en vacance, ne trouver que le vide… Et puis, entre la saga des rencontres insolites et la ronde des souvenirs, j’ai découvert un vide étonnamment plein…

Ennuyeuse, la Creuse ? Et si, au terme de cette semaine de vacance, je parvenais à me surprendre… à vous surprendre ?“

L’Histoire

Jean-Pierre Jouve le narrateur et personnage principal du roman a décidé de s’ennuyer, quoi de plus simple de creuser ce vide dans un département choisi « au hasard » d’un jeu de fléchettes dont la cible est une carte routière française. La Creuse sera donc le lieu de randonnée idéale pour se lancer à la quête du vide.

Depuis que son épouse Odile née Laubepin son idole à la couronne d’aubépines (l’auteur joue avec les mots) l’a quitté, il fractionne ses vacances en deux : 1 semaine en juin et une autre en septembre car : « c’est moins cher, c’est plus vide »…

Une semaine de vacances c’est 7 jours de marche et par essence d’introspection, d’une quête initiatique où la vie du narrateur est disséquée : L’homme marche parfois sans regarder ce qui l’entoure, il marche dans sa mémoire. Son esprit n’est jamais tranquille, de par son métier d’actuaire, il a la passion des mathématiques, les chiffres l’accompagne et les albums de Tintin aussi (version graphiquement réduite afin qu’elle puisse loger dans le sac à dos) : les trois premiers albums pour les 6 premiers jours et la 4 derniers pour le dimanche (7 et 7). Son préféré : les 7 boules de cristal où il est question de la malédiction touchant des savants devenus fous…

7 ce chiffre sacré est là récurrent accompagnant ce routard sur une route champêtre où le vert tendre du paysage va virer à la teinte vert de gris de certaines statues ayant séjourné dans un air humide ou putride…

7 comme les 7 collines de Rome ou les 7 pêchés capitaux.

Sous un soleil cuisant, nous sommes pourtant malgré ce chiffre divin aux portes de l’enfer, les ombres du passé dans un paysage aux reliefs austères ne sont pas propices à la pleinitude intérieure.

Si le lecteur accompagne volontiers ce routard au short kaki, qui prend le soin de rester propre sur lui, qui semble faire corps avec les villages qu’il traverse, il pressent que le petit grain de sable qui le contraint à s’arrêter et à se soigner (avec dextérité et un soin méticuleux) est plus qu’une simple ampoule.

Il est marqué par son enfance auprès d’un père militaire disparu trop tôt et d’une mère en demi deuil qui l’accompagnera à l’autel le jour de son mariage. Son mariage avec Odile, son idole apparemment la femme de sa vie avec laquelle il n’a pas eu d’enfants et qu’il souhaite reconquérir une fois son voyage terminé.
Ce randonneur n’est pas tout à fait le promeneur tranquille ou débonnaire qu’il affecte d’être. Au fil des 140 pages où le lecteur suit scrupuleusement l’itinéraire de Jean-Pierre Jouve, il pressent qu’il va forcement se passer quelque chose, ce vide se remplit de contradictions, de signes avant coureurs d’un drame …

« Les hommes n’ont-ils pas tous une provisions de masques ?
Nous entrons alors dans la deuxième partie du roman avec les 15 dernières pages qui vont éclaircir le sujet pour l’assombrir à nouveau.

On retrouve l’actuaire et ses bilans :

TOTAL. Bilan. Addition. Compte

Le lecteur se retrouve FACE À L’INNOMABLE !!!!!!!

Conclusion :

Ce livre n’a rien d’un guide du routard conventionnel il est très proche du polar ou du thriller…

L’auteur prend un malin plaisir à jouer avec les mots, à semer des petits cailloux comme autant d’indice sur ce périple aux allures bucoliques.

Il allie la poésie à l’humour noir…Les personnages rencontrés sont parfois ….déroutants : à l’image de ce curé débonnaire qui dans les plis de son habit cache une œuvre libertine ayant inspiré Alexandre Dumas pour ses quatre mousquetaires…

Une petite musique des mots qui accompagne le chemin de croix de ce routard étriqué.

- le temps s'est démis comme une épaule, l'eau du ciel ruisselle sur le missel d'un curé demi-sel en surplis violet -, un grand chien jaune au poil trempé, un aquarelliste ravi."


Le mot de la fin revient à Jean-Pierre Jouve :

« la France profonde mérite vraiment qu’on la creuse. »

Ce premier roman a obtenu en 2002 le Prix des Usagers de la Bibliothèque centrale du Hainaut

Bibliographie :

Romans :

Une semaine de vacance, Éd. Luc Pire, 2001, Prix du Comité des Usagers de la Bibliothèque centrale du Hainaut 2002.

Recyclages, Éd. Luc Pire, 2002.

Norma, roman, Éd. Luce Wilquin, 2006, Prix hainuyer de littérature française Charles Plisnier 2007.

Nuage et eau, Éd. Luce Wilquin, août 2008. Ouvrage sélectionné pour le Prix des Lycéens 2008-2009.

Nouvelles :

Vingt-quatre préludes, Éd. Luce Wilquin, 2004.

Théâtre :

Le Violon sans âme, Festival montois de Théâtre en rue 2006 (mise en scène : Sarra Latrèche).

Les Anges dans nos campagnes, Festival montois de Théâtre en rue 2007 (mise en scène : Julien Vanbreuseghem).

Maman Jeanne, monologue dramatique Ed Luce Wilquin 2009

Poésie :

Pruine du temps, haïkus, illustrations de Pierre Renard, calligraphies de Pascal Goossens, chez l’auteur, 2008.

Collectifs :

Haïku, in Ombres et Lumières, Éd. LCR, 2003.

Haïku, in Éclair soudain, Éd. Ex Ponto, 2005.

Les mots d’Imad, in Étranger, j’écris ton nom, Éd. Couleur Livres, 2007.

In vino veritas ?, in Des mots chocolats, Éd. Luce Wilquin, 2007.

On peut retrouver toute l’actualité de l’auteur sur son blog : http://www.gensheureux.be/site/

 
Prochaine chronique : les Contes Malpolis de Sylvette Heurtel

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