vendredi 26 juillet 2013

ET L'ETE LES EMPORTA ...Annie MULLENBACH




Annie Mullenbach est revenue sur les traces de sa petite enfance, dans un village de l’Oise, à Château-Rouge plus précisément. Avec émotion, elle va faire le chemin à l’envers sur les lieux où les murs gardent encore les stigmates de la répression allemande. La terre a bu le sang des hommes, la colère s’est consumée mais le souvenir reste même SI « on crut qu’elle avait tout oublié ».


« C’est oublié que les enfants enregistrent tout peu importe leur âge. C’était oublier que les souvenirs ressurgissent toujours, et peu importe le moment ».

Château Rouge c'est aussi  l’accueil bienveillant des cousins de ses parents. La cuisine de la ferme qui sent le lait, les pommes fermentées et les cendres refroidies. Une sensation d’être un oiseau épris de liberté, les pieds nus chatouillés par les herbes folles et un petit corps ensaché dans des robes taillées dans celles de sa maman…

Un endroit idyllique pour s’éveiller et grandir mais surtout reprendre des forces et calmer des nuits agitées. L’époque n’est pas à la sérénité. Annie est née en 1943 dans la tourmente de la guerre, enfant longuement désirée d’un couple dont le destin est comme suspendu à un fil celui de la vie de tous les réfugiés.


L’année 1943 vit l’imposition du STO, service du travail obligatoire. Travailler pour les Allemands et en Allemagne, Lucien s’y refusait. En 1944, la pression s’accrut et il partit de plus en plus fréquemment se cacher dans la forêt proche pour échapper au recrutement.

Il y avait occupation. Il y avait aussi résistance.

"27 août 1944. A Château-Rouge, petit village de l’Oise, le soleil se lève sur une journée d’été, un dimanche comme un autre où les hommes auraient pu prendre le temps de faire un brin de toilette, un nouveau tablier pour les femmes, un bout de ruban dans les cheveux des jeunes filles, les enfants récurés de frais dans les baquets près de la pompe. Un dimanche où les croyants, et même les moins croyants, seraient allés jusqu’à l’église, prier, en toute bonne foi ou à tout hasard, prier pour la paix.

Mais c’est la guerre, les troupes alliées, fraîchement débarquées en Normandie, peinent à avancer et partout de nombreux maquis se constituent pour hâter la libération du territoire. Aux actions de résistance répondent les représailles de l’occupant."


L'auteur au travers de 130 pages déroule le fil des évènements qui va conduire à l'irréparable. Elle évoque tour à tour la vie de ses parents mais aussi celle des habitants de Chateau Rouge : Emile et le cliquetis de ses aiguilles à tricoter, les amoureux Roger et Lucie, le photographe André de Salle... "une longue litanie d'hommes et de femmes marquée par ce matin du 27 août 1944".
La résistance n'est pas un jeu d'enfants et les représailles seront terribles pour ce petit village libéré 4 jours plus tard par les Américains...

Dans ce roman à l’écriture empathique et au style limpide, l’auteur œuvre pour le devoir de mémoire avant que les noms gravés sur la pierre ne disparaissent, avant qu’il n’y ait plus personne pour se souvenir.

"Et l'été les emporta", une histoire dans l'Histoire qui continue de nous poursuivre au delà de la dernière page...


ET L'ETE LES EMPORTA
De Annie MULLENBACH
Editions du Banc d'Arguin - Collection : LIVRES - septembre 2012
18€








3 commentaires:

Parisianne a dit…

Une belle lecture, n'est-ce pas ?
Quand l'Histoire s'approche au plus près de nos vies, le chemin est encore plus riche.
Anne

Mary a dit…

Un beau livre agrémenté de photographies d'hier et d'aujourd'hui : quand le passé et le présent ne font plus qu'un...

Annie a dit…

Merci Maryline pour cette lecture attentive.L'écriture fut difficile à entreprendre, j'y pensais depuis longtemps et une rencontre en a finalement décidé. Ensuite, et bien ensuite le fil s'est déroulé, avec l'aide d'un couple encore en vie et qq archives et tout a recoupé ce que j'avais en tête.La seule chose que je n'avais pas prévue c'est la méfiance des "autochtones", 70 ans après il y a toujours des "choses" qu'il faut tenir secrètes, on ne doit pas remuer certains souvenirs.Cette guerre avec son lot de délateurs a laissé des marques...et j'ai eu l'impression d'arriver , pour certains, "comme un chien dans un jeu de quilles" ! J'ai rassuré le plus que j'ai pu et j'ai écrit. On doit toujours écrire.
Encore merci !